Entretien Nayat Sanchez Pi, directrice de l’Inria au Chili

« Le potentiel de développement de l’IA et de l’apprentissage automatique sont très importants en Amérique latine »

Directrice de l’Inria au Chili, Nayat Sanchez Pi détaille l’état d’avancement de l’intelligence artificielle en Amérique latine et appelle à une plus grande coopération académique entre les différents pays de cette région.

En quoi l’Amérique latine apporte-t-elle une perspective intéressante dans le cadre du sommet 2021 du PMIA ?

Cette région présente des spécificités en termes politiques, économiques mais aussi culturelles sans parler d’un problème d’inégalités croissant. Dans un tel contexte, l’IA représente un moyen pour résoudre un certain nombre de difficultés et garantir un progrès social sous la forme d’une réduction des inégalités. L’Amérique latine peut contribuer au développement de l’IA au-delà même de ses frontières en apportant une vision différente des autres régions du monde. D’où l’importance de participer au sommet.

Comment caractériseriez-vous l’état d’avancement de l’AI en Amérique latine ?

Le développement de l’IA y est inégal. S’il est vrai qu’on assiste à une multiplication des applications à la faveur d’un groupe de professionnels aguerris, la région est loin d’être en mesure d’exploiter pleinement le potentiel de l’IA. À la différence de nombreux hubs de l’IA mondial, l’Amérique latine manque d’infrastructures numériques. Il existe, par exemple, un décalage ahurissant entre l’accès à la technologie dans les zones rurales et dans les villes.

L’accès au capital-risque y est peu développé et les investissements en provenance d’entreprises locales sont peu ou pas existants. Le manque de financement se fait aussi cruellement sentir dans le domaine de la recherche. C’est un véritable défi que de faire de la recherche en Amérique latine. À ces problèmes s’ajoutent aussi une alternance politique constante et un manque de réglementation et de protection autour de l’innovation. La fuite des talents à destination des pays développés complique encore cette équation.

Existent-ils néanmoins des politiques volontaristes de la part des gouvernements ?

Un certain nombre de pays d’Amérique latine, à l’image du Brésil, de l’Argentine, du Mexique, du Chili, de la Colombie et de l’Uruguay disposent dorénavant d’une stratégie nationale en faveur de l’IA. Cela se traduit non seulement par un effort important en matière d’amélioration des infrastructures numériques et de la connectivité mais aussi par une approche de l’IA responsable conforme à la directive de l’OCDE. L’institutionnalisation de ces programmes laisse espérer que les investissements suivront. Parallèlement, un certain nombre d’institutions académiques multiplient aussi les programmes en faveur de l’IA.

Une collaboration académique plus robuste dans la région est un facteur important dans le développement d’une recherche de qualité et d’une unification de la communauté de recherche. Si des progrès ont été réalisés, il est encore possible d’améliorer les liens entre les différents pays d’Amérique latine.

Quels défis l’IA doit être capable de surmonter dans cette région ?

Le potentiel pour le développement de l’IA et de l’apprentissage automatique est très important en Amérique latine. Et il est crucial que le développement technologique parvienne à faire évoluer cette région en une économie du savoir. Pour autant, il faut rester extrêmement prudent : si l’IA peut résoudre la question du sous-développement de la région, elle peut aussi, en l’absence d’une démocratisation suffisante de l’accès aux technologiques numériques de la population, accroître les inégalités.

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